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03 Nov

Pourquoi la vache qui rit?

Publié par Blacjac

La dernière semaine de mon volontariat au Sénégal s’est déroulée à Dakar. 6 jours passés essentiellement parmi les volontaires français à Dakar, à essayer de réaliser à quoi peut ressembler leur quotidien. Sans surprise, c’est très différent de Tamba. En fait, ça n’a rien à voir avec Tambacounda. A Dakar, il y a des problèmes d’embouteillages, l’unité de la monnaie, c’est le mille francs CFA, dix fois plus qu’à Tamba. La capitale est aussi pleine de Toubabs, beaucoup ne se connaissent pas, tandis qu’au fond de la brousse, le moindre visage blanc inconnu suscite une grande curiosité. Il y a aussi une variété d’activités, de restaurants, bars et magasins qui donnent facilement le vertige aux broussards de la sous-région. Et surtout, surtout, il y a des supermarchés.

 

Avec Laurianne, voyageuse solidaire installée depuis trois mois à Tambacounda, nous étions entré dans l’un deux pour acheter de quoi faire un pique-nique au lac rose. Tout excités par la variété des produits proposés dans les rayons (fromage ! saucisson !) , nous nous étions fait la réflexion que la vie est quand même super simple quand il n’est pas nécessaire d’entrer dans 6 épiceries et marchés différents pour faire les courses de la journée. Une fois nos caddies remplis d’Oréos, bonbons chimiques et chocolats blancs, nous avions voulu faire découvrir à nos hôtes un déjeuner bien de chez nous, le pain à la vache-qui-rit (ça, c’est pour les jours de grand luxe, sinon, c’est pain beurre ou pain mayonnaise). Et puis il y a eu l’instant qui a dû durer une demi-minute. Nous nous tenions devant le rayon fromages, sans bouger ni réfléchir, juste en constatant l’absurde : il y avait trois types de vache qui rit, normal, allégé ou au froment. Dans une très moindre mesure, je pense avoir vécu syndrome du soldat américain de retour d’Irak, complètement déboussolé, traumatisé dans les rayons de son hypermarché. Une version allégée de ce qui est appelé le choc du retour, pour moi le choc du retour à la « civilisation ». Qu’il y ait autant de Français à Dakar, ça me mettais mal à l’aise mais je l’acceptais totalement. Qu’il y ait autant d’activités c’était étrange quand le reste du pays en est complètement dépourvu, mais tout aussi compréhensible. Mais bon sang, cette vache qui rit… Absurde, dans toutes les dimensions possibles.  

 

Rentré depuis quelques jours en France, je n’ai pas eu de choc supplémentaire. Je suis pourtant entré dans une FNAC et un centre commercial. Avec le recul, je pense mettre le syndrome de la vache qui rit sur le compte de l’incohérence. Le FMI a récemment publié une liste des pays les plus pauvres du monde et le Sénégal y figure en 25e place. Il y a en plus tellement de priorités, dans tous les secteurs, et l’argent semble tellement mal géré. Le pays a besoin de construire et d’entretenir une quantité effarante d’infrastructures, électricité, gestion des déchets, de l’eau... Avec 20% de réussite au bac et un manque cruel de places dans l’enseignement supérieur, l’éducation aussi a besoin d’investissements conséquents. De ce que j’ai pu voir, les hôpitaux, les pompiers et la police sont en graves manques de formations. Malgré tous ces problèmes et si peu d’argent, le Sénégal possède un réseau téléphonique et internet relativement bon, les téléphones derniers cris, des téléviseurs à tous les coins de rue, et de la vache qui rit au froment…  Cette vache qui rit au froment n’a en soi rien de scandaleux, mais elle symbolise à mes yeux tout le problème du Sénégal. Beaucoup trop de Sénégalais pensent que pour avoir le beurre et l’argent du beurre, il suffit d’être le mari de la crémière.

 

C’est en grande partie pour cette raison que je ne recommanderais pas à n’importe qui de venir s’expatrier un an au Sénégal. Ça a été une expérience enrichissante et valorisante sur bien des domaines et je suis très content de l’avoir vécue. Mais c’est aussi terriblement éprouvant. La sensation dominante qui me reste à l’esprit, c’est que les Sénégalais refusent de travailler au développement de leur pays, mais tiennent absolument à avoir les avantages d’un pays développé. Et pour ça, rien de mieux que de tirer l’argent auprès des riches toubabs en attaquant leur pitié. Nous sommes les crémières, les vaches à lait…

 

Alors pourquoi ai-je signé le C.D.I à l’issu du V.I.E ? Parce qu’il y a des exceptions, des Sénégalais qui savent qu’à force de travail, le pays a les moyens de se prendre en main, des Sénégalais qui voient comment et veulent faire de leur pays une région dynamique du contient.  L’Afrique est un contient d’avenir, c’est certain, autrement, il n’y aurait pas autant d’Américains, d’Asiatiques et d’Européens sur ces terres. Reste la question des Africains, se laisseront-ils marcher dessus par les néo colons de toutes nationalités, ou sauront-ils saisir les mains tendues pour se hisser sur la voie de l’émergence ?

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À propos

L'extraordinaire aventure d'un français VIE qui partit au Sénégal