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30 Jul

Ne pas dire "Eve, pagaie!"

Publié par Blacjac  - Catégories :  #Société, #Voyage

Mais « Ramadan » ! Et pourtant, qu’il est tentant de prendre le Ramadan pour son exact contraire. Un article algérien rédigé dans le Courrier International, très justement intitulé Ramadan, mois de tous les excès  a circulé dans la communauté toubab de Tamba et résume assez bien le paradoxe observé. Le mois de Ramadan, censé faire ressortir la sagesse de chacun, fait sombrer le pays dans une folie parfois dangereuse.

Dans le thème du jeûne du ramadan, quelques photos de plats bien Sénégalais.
Dans le thème du jeûne du ramadan, quelques photos de plats bien Sénégalais.
Dans le thème du jeûne du ramadan, quelques photos de plats bien Sénégalais.

Dans le thème du jeûne du ramadan, quelques photos de plats bien Sénégalais.

Mon premier contact violent avec cette réalité, fut une expérience en transport. L’après-midi du cinquième jour, j’appris que je devais partir dans l’heure pour Dakar (6 à 8h de route) pour un séminaire sur l’énergie au Sénégal. Une fois de plus émerveillé par le sens de l’anticipation sénégalais, je fonçais préparer mon sac et 20 minutes plus tard j’étais dans la voiture en direction de Dakar. Jusqu’alors, mes premiers désagréments avec le ramadan n’étaient que mineurs, quelques regards de travers quand je prenais ma pause déjeuner, des réflexions du style « fais le ramadan avec nous, par solidarité !» ou encore un jeûne forcé par manque d’anticipation de la fermeture des restaurants et magasins pour l’occasion. Dans cette voiture, le choc a été plus profond. Le chauffeur et les deux autres passagers étaient sénégalais musulmans. Par décision personnelle ou règle particulière de leur confrérie, ils n’appliquaient pas l’exception du coran, stipulant qu’en voyage il est permis de couper le jeûne. Avant le voyage un calcul rapide avait permis d’estimer que nous arriverions à Dakar vers 19h30, soit exactement l’heure de la rupture du jeûne. Pendant le voyage, le raisonnement a été simplifié à « nous arriverons à Dakar pour la rupture du jeûne », ce qui a naturellement conduit à la conclusion « Plus vite nous arriverons à Dakar, plus vite nous romprons le jeûne ». Absurde. Subtil, mais absurde. Et apparemment convaincant. Ce jour-là, les pneus ont crissé plus d’une fois. Les traversées de villages à 140km/h n’avaient rien de rassurant, pas plus pour le pauvre toubab embarqué dans une voiture dont il ne demandait qu’à sortir que pour les mères des gamins jouant dans les rues. L’amusant dans tout ça, c’est que l’absurdité qui servait de raisonnement semblait unanimement admise. Pas seulement par les passagers de la voiture refusant systématiquement mes propositions de prendre le volant, mais par l’ensemble des conducteurs sur la route à ce moment-là. Le plus aberrant, c’est que malgré la vitesse et les calculs, nous ne sommes pas arrivés à Dakar avant le coucher du soleil, alors nous avons rompu le jeûne sur la route. C’était bien la peine de se presser.

  

 

 
Toujours dans le thème culinaire, quelques façons traditionnelles de faire la cuisine, four à pain et pilon
Toujours dans le thème culinaire, quelques façons traditionnelles de faire la cuisine, four à pain et pilon

Toujours dans le thème culinaire, quelques façons traditionnelles de faire la cuisine, four à pain et pilon

Fort de cette expérience riche en émotions, je me suis juré de ne plus jamais faire de longs trajets pendant la journée. Lors d’un voyage Dakar Tamba, mon choix se porta donc sur un bus de nuit, dans lequel j’avais la sotte intention de dormir. Le départ eu lieu une bonne heure après la rupture du jeûne, histoire de laisser à chacun le temps de se rassasier. Alors que le moteur démarre, je note immédiatement un bruit suspect, qui risquerait d’être potentiellement agaçant. Un son aigu non strident, légèrement oscillant et qui tend vers le grave. J’imagine un problème d’injection et espère que le bruit va s’en aller inch’Allah. Mais Allah ne voulait pas, bien au contraire ; il ne s’agissait pas de problème mécanique, mais simplement du début d’un chant mouride diffusé à la radio. Chant rapidement entonné par l’ensemble du bus qui s’en donnait à cœur joie pour toute la durée du voyage. On me lançait un défi, une épreuve de patience, je décidais de l’accepter calmement. Il ne me restait après tout que six heures de voyage. En réalité, j’apprendrai à mes dépens qu’en période de ramadan, les voyages de jour sont dangereusement rapides et ceux de nuits insupportablement longs. J’ai au moins eu la chance de vivre une nuit au rythme des musulmans. Aussi j’ai appris qu’en plus de la rupture du jeûne, il faut se nourrir trois fois dans la nuit, trois long repas qui ajoutent chacun une bonne heure à la durée du trajet. Sur la fin du voyage, je me distrayais en recherchant les bornes kilométriques qui longent la route, j’occupais mon esprit à estimer la vitesse à laquelle nous roulions en comptant le temps entre deux bornes, et en déduire aussi le temps qu’il me restait à tenir. A bout de nerf, je voyais Tambacounda se rapprocher en même temps que le soleil se levait. 10 heures de trajet, déjà. Nous venions de passer le kilomètre 6 quand le bus s’arrêta. Le chauffeur s’approcha de moi et m’annonça sans remord aucun qu’en réalité le bus ne passait pas par Tamba et qu’il allait falloir que je fasse le reste de la route à pied. La fatigue m’empêchant de frapper, je grommelai quelques injures bien senties avant de descendre. Et de finir à pied sous ce soleil matinal qui l’air de rien, chauffait déjà fort.

Crédits

Un grand merci à Jean, qui a fourni l'intégralité des photos de cet article.

Commenter cet article
Q
Tant qu'elle ne voit pas Abraham...!
Répondre
C
5 bonnes minutes pour comprendre le titre... ;)
Répondre
B
C'est déjà pas mal, je pensais que tu serais de ceux qui se seraient dit "encore un délire"<br /> PS:Pour ce qui est du poisson, je ne sais pas comment une blonde le tue. En revanche, je sais ce qu'elle peut faire avec du poison ;)

À propos

L'extraordinaire aventure d'un français VIE qui partit au Sénégal