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16 Mar

Mercure en flammes

Publié par Blacjac  - Catégories :  #Vie quotidienne

En voyage au Sénégal, si votre destination est Tambacounda, il y a de grandes chances pour que la première phrase wolof que vous appreniez soit : « Tambacounda ! dafa tang ! », à Tambacounda, il fait chaud. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que celui qui vous aura dit ça est un Sénégalais robuste coiffé d’un bonnet de laine, pimpant sous le soleil de Dakar qui vous suffit largement pour définir la notion de chaleur.

Fraichement arrivé à Tambacounda et après mure réflexion, je m’étais dit qu’il avait sacrément raison ce Sénégalais en bonnet de laine, il fait chaud ! Tout fier, lors de ma première discussion avec un des arnaqueurs qui portent ici le nom de commerçants, j’ai étendu tout mon savoir wolof pour lui faire croire que j’étais un habitué, qu’il était donc inutile de m’arnaquer. « Tambacounda, dafa tang ! » Osé-je dire. Je fus vite refroidi par sa réponse : « Non grand ! Maintenant c’est l’hiver, il fait froid là. » J’ai raté mon effet, il a pu m’arnaquer à sa guise.

 

Le peu de verdure encore présent durant l'hiver disparait au profit de la terre rouge
Le peu de verdure encore présent durant l'hiver disparait au profit de la terre rouge
Le peu de verdure encore présent durant l'hiver disparait au profit de la terre rouge

Le peu de verdure encore présent durant l'hiver disparait au profit de la terre rouge

Depuis un mois maintenant, la rumeur circule. La phrase est dans la bouche de chacun, elle fait trembler les toubabs qui ne l’ont pas encore vécu, elle est lourde de sens, toujours dite avec gravité, et prend beaucoup de style en anglais. « L’été approche », summer is coming (pouce bleu si t'es fan!). Le plus frustrant, c’est que l’air de rien, il s’agit d’une phrase au futur. Et que, comme tout futur sénégalais, il est une précision remarquable quand il s’agit de placer l’évènement sur un calendrier Après calculs poussés, je pense que l’été se situe quelque part entre mars et juillet. Le mercure ne cesse de grimper, et la phrase ne change pas, « l’été approche ».  Elle sonne comme un avertissement, elle susurre sournoisement : « Grand, tu n’as encore rien vu ». Et pourtant, déjà, j’en ai vu des choses…

En un mois, le plateau du Sénégal a vu sa température passer du froid hivernal qui frisait les 20°C aux premières vagues de chaleurs qui flirtent avec le 45°C. Et, ironiquement pour un plat qui se mange froid, j’ai enfin ma vengeance sur les sénégalais : tout comme moi, ils suent ! Nous sommes enfin sur un pied d’égalité, il y a une justice en ce bas monde.

Soudainement tout change, la chaleur fait varier les comportements et les points de vue. Le ventilateur, même acheté au prix toubab, devient le meilleur investissement d’une vie. Il constitue rapidement un ami inséparable, je lui ai d’ailleurs donné un nom, Ajay, un prénom indien me semblait approprié vu sa manière de secouer la tête en permanence et ce quoi que je dise.

En plus de sceller des amitiés éternelles, la chaleur est un formidable vecteur énergétique. Calories à l’état pur, la chaleur est généreuse et se transmet à tout ce qu’elle rencontre, notamment à l’eau. Les exemples sont innombrables où la chaleur se révèle être un véritable allié de la vie quotidienne. Pour toutes les taches bégnines qui en France nécessitent de nombreux efforts onéreux ou chronophage, le Sénégal a ses degrés Celsius. 

 

Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)
Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)
Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)
Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)
Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)

Tout être vivant cherche les points de fraicheurs, ombre ou source d'eau. Les crocos, eux, font bronzette (photos prises au parc naturel de la Somone)

***

Avec Katie, ma colocataire dakaroise, nous avons appris à vivre avec les degrés. Cette semaine, après le déjeuner, nous étions dans la cuisine pour faire la vaisselle. En me tendant une assiette qu’elle venait de rincer, elle me faisait remarquer qu’il n’y avait plus de moustiques ces temps-ci. J’ouvrais la fenêtre et passais à l’extérieur mon bras qui venait saisir l’assiette en lui répondant : 
« Tu as raison, ils ont tous dû brûler.
-Cesse de dire des bêtises et rentre ton bras, tu vas attraper un coup de soleil »

J’obéis et lui rendis l’assiette sèche.

« -Tu sais les moustiques ont le sang-froid, ça veut en fait dire que leur sang est à température ambiante et donc quand il fait trop chaud, ils bouillent intérieurement.
-Arrête tes bêtises et va chercher le linge pendant que je prépare mon café ! »

 

En bon mâle dominant, je quittais la cuisine pour monter sur le toit. Katie y avait étendu le linge dix minutes plus tôt. Le toit plat constitue en fait une immense terrasse que l’absence d’ombre rend difficilement vivable. Le soleil y cogne comme un boxeur enragé, ce qui en fait le lieu idéal pour exposer le linge à sécher. En revanche, à la nuit tombée, c’est le spot idéal ; nous pouvons y monter nos lits et moustiquaires pour profiter de la fraicheur des nuits sans nuages, avec pour seul plafond les étoiles éclatantes de la voie lactée.

 

Revenu auprès de ma colocataire, elle m’ordonna : « Tiens Louis, laisse-moi le linge je vais le trier, occupe-toi plutôt du café ». Par galanterie, j’acceptais. Je mis deux cuillers à café au fond d’un mug importé de Chine, puis ouvris doucement le lavabo. Katie n’aimais pas faire le café, elle s’était brulée la fois précédente. Il faut dire que l’architecte qui a pensé cet appartement a placé le lavabo particulièrement haut, si bien qu’en positionnant la tasse trop bas, il y a des risques d’éclaboussures et donc de brulures. Elle préférait me laisser faire, par ma taille, j’ai moins de mal à atteindre la bonne hauteur. Sa tasse remplie, je la lui donne en disant : « Et un café spécial robinet début mars pour madame, température estimée 65°C. Buvez vite avant qu’il ne se réchauffe ! »

Les bords de mers ont soudainement un charme irrestitible. (Forêt de mangrove du Sine-saloum, et l'île de N'gor au large de Dakar)
Les bords de mers ont soudainement un charme irrestitible. (Forêt de mangrove du Sine-saloum, et l'île de N'gor au large de Dakar)

Les bords de mers ont soudainement un charme irrestitible. (Forêt de mangrove du Sine-saloum, et l'île de N'gor au large de Dakar)

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A
Mon dieu, mais on va mourir en Avril! o_O
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À propos

L'extraordinaire aventure d'un français VIE qui partit au Sénégal